Le voile islamique se
déploie sur l'Europe
En mars 2004, la France adoptait une loi
interdisant les signes religieux ostentatoires, dont le foulard islamique, dans
les établissements scolaires. Cette loi avait alors suscité des critiques dans
de nombreux pays européens. Aujourd'hui, le Royaume-Uni et l'Italie sont à leur
tour confrontés.
"Le voile est un signe de séparation. Il crée un malaise
pour les gens qui n'appartiennent pas à la communauté musulmane", a déclaré Tony
Blair, cité par le quotidien
The Independent. Cette déclaration du Premier ministre
britannique survient dans le débat ouvert à la suite de la décision prise par
une université britannique d'interdire le port du voile dans son enceinte, ainsi
que l'exclusion d'une enseignante d'une école primaire portant un niqab, le
voile qui ne laisse voir que les yeux. Tony Blair confirme ainsi un changement
dans l'attitude du gouvernement, qui craint que "son soutien de toujours au
multiculturalisme encourage le développement d'univers de vie parallèles qui ne
se rencontreront jamais", souligne le quotidien.
"Seul un Etat totalement laïque peut protéger les droits
des femmes", estime l'éditorialiste du
Guardian, de Londres, Polly Toynbee, qui ne comprend
pas "comment un gouvernement travailliste a pu mener le pays dans ce bourbier
religieux". Et de rappeler qu'un tiers des écoles publiques britanniques sont
sous l'influence des religions, ce qui est "le meilleur moyen de renforcer les
ségrégations". Pour elle, "il n'est pas besoin d'être musulman pour comprendre
l'idéologie du voile. Couvrir et contrôler les femmes a de tout temps été une
pratique universelle dans la plupart des cultures et des religions du monde
entier, à laquelle les Occidentales se sont opposées pour y échapper."
L'Italie à son tour est touchée par le problème. Dans ce
débat, le président du Conseil Romano Prodi a choisi une voie médiane que
l'ensemble de la classe politique approuve. Il ne rejette pas en bloc le port du
voile, à condition toutefois que "les femmes soient reconnaissables et ne
dissimilent pas leur visage", rapporte
La
Repubblica. Le quotidien de Rome explique que le voile
qui couvre le corps de la femme de la tête aux pieds à l'exception des yeux va à
l'encontre de l'intégration voulue par Romano Prodi. Ce dernier s'empresse
d'ailleurs de rappeler que les immigrés appartiennent à l'avenir de l'Italie.
"Le voile est en passe de devenir un symbole qui échauffe
les esprits jusque dans les pays arabes", note encore La Repubblica. Si, en
Egypte, Saad Saleh, professeur de droit islamique à l'université Al-Azhar du
Caire, a qualifié le niqab de "lamentable" lors d'un débat télévisé, la Tunisie
est le seul pays qui résiste à tous les types de voile islamique. "La Tunisie
interdit [même] le hidjab et arrête les femmes qui n'obéissent pas", titre à ce
sujet le quotidien de Milan
Corriere della Sera. Cette attitude des autorités
risque malheureusement de provoquer un raidissement des islamistes, "qui ont
lancé un appel à manifester dans la rue". Mais pour le quotidien tunisien
La Presse, qui soutient le gouvernement, "le voile
n'est qu'une convention sociale, la piété est un bien meilleur habit".
Anne Collet Courrier
International
- Revue de presse - 19 oct.
2006
Selon le ministère de l'Education, seuls 47 élèves ont été exclus depuis la
rentrée 2004
Les responsables de
l'Education nationale sont unanimes : «La loi sur la laïcité a porté ses
fruits.»
Sur le terrain, les chefs d'établissement ont apparemment reconnu les signes
religieux sans difficulté, car la plupart des filles sont venues «très
couvertes». A Strasbourg, un bastion de la lutte pro-voile, le rectorat
rappelle que 500 jeunes filles suivaient les cours voilées en 2003-2004. Seules
17 ont été exclues.
Au total, s euls 47 élèves – dont 3 sikhs – ont été exclus après des mois de
dialogue. Parmi eux, «des militants et des filles d'origine turque, souvent
soutenues voire encadrées par leurs familles».
Les mouvements musulmans hostiles à la loi décrivent une autre réalité.
Selon eux, quelque 800 filles ont été obligées d'enlever leur voile, une
centaine sont parties à l'étranger et une autre centaine ont été déscolarisées.
Finalement, la loi de mars 2004 semble avoir dégagé l'école des tensions
religieuses. La rentrée dira s'il s'agit d'une paix véritable ou d'une simple
trêve.
Le Figaro 02/06/05
La loi sur la laïcité française,
objet de commentaires d'un rapport de l'ONU |
Le duel
laïcité – voile.
Un siècle après l’adoption de la loi de 1905,
instituant la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la société française
offre un pluralisme religieux dont la visibilité semble en contradiction
avec le principe de la laïcité, un des fondements de la république en
France. "Depuis la rentrée [septembre 2003], six élèves - sur les douze millions scolarisés en France - ont été expulsés de leurs établissements scolaires à la suite d'un conflit relatif au port du voile islamique. Quantitativement réduit, ce problème a néanmoins pris des proportions considérables", constate La Libre Belgique. En effet, l’affaire du port du voile dans les lieux et institutions publiques, notamment dans les écoles, a été jugée assez grave et sérieuse pour que le président Jacques Chirac charge le médiateur de la République, l’ex-ministre centriste Bernard Stasi, de présider une commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République. Cette commission, mise en place le 3 juillet 2003, a réuni vingt personnes, dont une grande majorité d’universitaires. Elle vient de remettre son rapport, le 11 décembre 2003, au président de la République. Ce rapport recommande "d'interdire légalement aux élèves des écoles publiques d'arborer des ‘signes ostensibles’ d'appartenance religieuse ou politique, tels que grande croix, voile ou kippa. Jusqu'à présent, ces signes étaient tolérés, sauf s'ils constituaient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande", précise le quotidien belge, qui ne cache pas son scepticisme : "Il n'est pas certain que des mesures de ce type suffiront à pallier les insuffisances du modèle français d'intégration. Ces carences que l'affaire du voile, tout comme la crise persistante des banlieues ou le débat actuel autour de la discrimination positive, viennent remettre en lumière." The Economist partage l’avis de La Libre Belgique et estime que "si la France interdit aux filles musulmanes de porter le voile à l’école, cela risque de créer un grand problème à partir d’un petit incident". L’hebdomadaire britannique fait aussi preuve de scepticisme et souligne qu’une telle interdiction équivaudrait à "une décision dépourvue de sagesse." Ces jeunes représentent l’avenir de la France et il est bien connu que l’interdit est le meilleur moyen de s’aliéner cette nouvelle génération qui, en l’occurrence, "adoptera le port du voile comme un acte de défiance", poursuit The Economist. Pour cet hebdomadaire, le travail essentiel qui revient aux politiciens français est d’accepter ces personnes issues de l’immigration musulmane "comme des citoyens à part entière. Ils pourraient de cette manière faire face à toutes sortes d’autres problèmes à commencer par la criminalité et le terrorisme pour en arriver au statut et aux droits des femmes." Pour le quotidien algérien Liberté, "le dogme de la laïcité est mis à mal en France. Faut-il de nouveau légiférer ? La question divise les politiques et suscite la méfiance des associations." En effet, plusieurs personnalités politiques, de droite comme de gauche, les représentants des religions révélées [chrétiens, juifs et musulmans], une partie du monde associatif – sauf les associations féministes – dénoncent une atteinte aux libertés individuelles ainsi qu'une conception vindicative et intolérante de la laïcité. "On remarquera que le voile est le seul insigne religieux qui cristallise les tensions, à l’inverse de la khamsa (main de fatma que l’on attribue aussi à l’islam), du crucifix ou de la kippa. Plus qu’un symbole religieux, le voile est parfois la marque d’une appartenance politique. Déjà en tant que symbole religieux, il est perçu comme contraire aux valeurs de la République, en ce sens qu’il introduit une inégalité entre les sexes", relève Liberté. La Libre Belgique signale que la grande majorité des pays européens n'ont pas de législation sur le port de signes religieux à l'école, préférant laisser les établissements ou les autorités locales régler les affaires au cas par cas. "Au Royaume-Uni, chaque chef d'établissement est libre d'adopter son propre règlement intérieur en matière d'uniforme scolaire. Généralement, le port du foulard, de la kippa ou du turban est autorisé. Aux Pays-Bas, la loi interdit les discriminations religieuses. Le port du voile, et des autres signes religieux, est généralement admis dans les écoles publiques." Cependant, poursuit le quotidien belge, le port de signes religieux reste un sujet de débat récurrent dans certains pays : en France mais aussi en Allemagne, où la législation sur les signes religieux à l'école est du ressort des Länder, compétents en matière d'éducation. Ainsi, "le Bade-Wurtemberg et la Bavière s'apprêtent à légiférer contre le port du voile. Cependant, le Bade-Wurtemberg autorise dans son projet de loi la présence de symboles religieux chrétiens ou juifs." En France, le président de la République devra rendre son arbitrage et trancher le 17 décembre 2003. Hoda Saliby Courrier international - 12 déc. 2003 |
le
Président de la République a tranché en faveur d'une loi sur la
laïcité ( 17-12-2003 ) Suite à la remise du rapport de la Commission Stasi sur l'application du principe de laïcité dans la République le 11 décembre, le Président de la République s'est prononcé le 17 décembre en faveur d'une loi interdisant le port de signes religieux "ostensibles" à l'école. Dans son discours, Jacques Chirac a affirmé qu'il ne voulait cependant pas "refonder" la laïcité ou en "modifier les frontières", fixées par la loi de 1905. Le Président de la République a annoncé la création d'un "code de la laïcité", qui réunira tous les principes et les règles, ainsi qu'un Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre. Une loi contre les signes religieux "ostensibles" Le Président de la République a estimé que "le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l'appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles, les collèges et les lycées publics". Suivant les recommandations de la commission Stasi, il a affirmé "qu' une loi (était) nécessaire". "Je souhaite qu'elle soit adoptée par le Parlement et qu'elle soit pleinement mise en oeuvre dès la rentrée prochaine". Le chef de l'Etat a ajouté que "les signes discrets, par exemple une croix, une étoile de David ou une main de Fatima, resteront naturellement possibles". En revanche, Jacques Chirac n'a pas donné suite à la proposition du rapport Stasi de mettre en place deux nouveaux jours fériés. Il a pourtant rappelé son attachement au fait "qu'aucun élève n'ait à s'excuser d'une absence justifiée par une grande fête religieuse" Le Premier ministre s'est exprimé sur la question de la laïcité, dans un entretien donné au Parisien du 16 décembre 2003. Interrogé sur la question du port du voile à l'école et dans les services publics, le Premier ministre a redit son attachement à "la liberté religieuse". Il a également rappelé " la neutralité de l'Etat, la tolérance vis-à-vis des religions", au coeur des principes républicains depuis 1905. "Les religions sont respectables. Mais, pour parler comme les mathématiciens, elles ne doivent pas devenir un « sous-ensemble » de la République", a indiqué Jean-Pierre Raffarin. Ecole, hôpital, services publics : le respect de la laïcité reste la règle Le Premier ministre s'est exprimé sur la question de la laïcité, dans un entretien donné au Parisien du 16 décembre 2003. Interrogé sur la question du port du voile à l'école et dans les services publics, le Premier ministre a redit son attachement à "la liberté religieuse". Il a également rappelé " la neutralité de l'Etat, la tolérance vis-à-vis des religions", au coeur des principes républicains depuis 1905. "Les religions sont respectables. Mais, pour parler comme les mathématiciens, elles ne doivent pas devenir un « sous-ensemble » de la République", a indiqué Jean-Pierre Raffarin. Comme Jean-Pierre Il a rappelé au journal Le Parisien, les règles de la laïcité , définies par la loi du 9 décembre sur la séparation de l'Etat et de l'Eglise s'appliquent aux services publics, à ses agents et à ses usagers. "Il faut que nous donnions des moyens juridiques aux agents de l'Etat pour faire respecter les règles" a souligné le Premier ministre. Pour celui-ci, la question du foulard à l'école touche également à des notions plus vastes de respect et d'autorité. "Il faut renforcer l'autorité des maîtres. Un sujet qui est d'ailleurs plus vaste que celui de la laïcité" précise Jean-Pierre Raffarin. Un certain nombre de dispositions législatives seront cependant à prendre pour : "protéger les fonctionnaires qui se sentent fragiles face à des comportements non pas forcément religieux, mais dérivés du fait religieux" ; "combler les vides juridiques" ; et prendre en compte le fait que "le concept de laïcité a évolué". Dans cet esprit, le Premier ministre s'est déclaré favorable "à la proposition d'un code de la laïcité, pour rassembler tous les textes auxquels on peut faire référence", Refuser le communautarisme Dans son entretien au Parisien, le Premier ministre a attiré l'attention sur les limites et les dangers du communautarisme, qu'il a défini comme "le repli des gens sur leur identité religieuse" et qu'il considère comme "le signe d'un échec de leur intégration dans la République" . Opposé, dans cet esprit, à l'inscription de nouveaux jours fériés dans le calendrier républicain, Jean-Pierre Raffarin a prôné la souplesse au cas par cas des adaptations négociées dans les secteurs concernés : "On doit pouvoir tenir compte dans les entreprises ou à l'école des pratiques religieuses de chacun et avoir la souplesse nécessaire", a-t-il ainsi précisé, en rappelant que le Gouvernement était plutôt "mobilisé aujourd'hui sur la suppression d'un jour férié", afin de "financer les neuf milliards d'euros nécessaires à l'aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées". Le Président de la République a affirmé que "le communautarisme ne saurait être le choix de la France". "On ne saurait tolérer que, sous couvert de liberté religieuse, on conteste les lois et les principes de la République. La laïcité est une des grandes conquêtes de la République. Elle est un élément crucial de la paix sociale et de la cohésion nationale" a-t-il indiqué. Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr/ |