LA CITOYENNETÉ À
L'ÉPREUVE DES TRANSFORMATIONS DU MONDE CONTEMPORAIN
• Conformément aux principes
généraux de l'enseignement de l'éducation civique, juridique et sociale
publiés avec le programme de la classe de seconde, l'ECJS a pour objet
en classe de terminale de confronter la citoyenneté aux transformations
du monde contemporain. Cet enseignement s'efforce d'apporter une
meilleure compréhension de la fonction du droit, des institutions
politiques et de l'action des citoyens face à ces enjeux. Il mobilise à
la fois les notions d'éducation civique acquises au collège, des savoirs
enseignés dans différentes matières et les acquis de l'éducation
civique, juridique et sociale des classes de seconde et de première.
I - OBJECTIF GÉNÉRAL DE LA CLASSE TERMINALE
En classe de seconde, la
citoyenneté politique a été analysée dans sa dimension civile, en
partant de la vie sociale pour remonter à ses fondements politiques. En
classe de première, les élèves ont été amenés à réfléchir sur l'exercice
de la citoyenneté politique, les conditions de la participation
politique et les fondements de l'État de droit. Ils ont pu comprendre
comment les libertés publiques et privées peuvent être garanties dans
l'État démocratique et en quoi elles requièrent la participation et la
vigilance des citoyens, l'exercice de leurs droits civiques et leur
participation au débat dans l'espace public.
En classe terminale, il s'agit de
montrer que les exigences de droit, de justice, de liberté et d'égalité
qui caractérisent l'État et les sociétés démocratiques sont confrontées
à de nouveaux défis qui mettent à l'épreuve la citoyenneté, notamment
les évolutions de la science et de la technique, les exigences
renouvelées de justice et d'égalité, la construction de l'Union
européenne et la mondialisation économique, culturelle, juridique et
politique. Ces évolutions obligent les hommes à toujours repenser leurs
droits et leurs libertés, ce qui suscite des débats dans l'espace
public. La tension entre les intérêts particuliers et l'intérêt général,
des expressions nouvelles de violence et d'atteinte aux libertés,
exigent des réponses juridiques sans cesse adaptées. Le débat
démocratique amène à interroger les normes et les valeurs sur lesquelles
repose le droit et à les confronter à des conceptions différentes de
l'éthique et à l'idée de droits de l'Homme. Ces évolutions transforment
l'exercice de la participation politique et les formes de la conscience
des citoyens, en amenant à repenser les questions de la souveraineté, de
la liberté, de la responsabilité, de la justice et du droit.
Ces transformations du monde
contemporain sont analysées en propre par différentes disciplines. L'ECJS
a pour mission de souligner les enjeux civiques et politiques de ces
évolutions, en particulier à travers le débat argumenté, fondé sur le
savoir et portant sur des questions suscitées par l'actualité, répondant
aux préoccupations des élèves : la connaissance et la capacité de se
servir de sa raison permettent de décider et d'agir librement.
En amenant les élèves, sur ces
questions limitées et concrètes, à coordonner les connaissances et la
réflexion qu'ils construisent dans les différentes disciplines, l'ECJS
trouve sa pleine signification. Elle contribue, à sa manière et dans le
volume horaire qui lui est imparti, à attester de la cohérence entre les
programmes des disciplines et à les articuler entre eux (voir VI, alinéa
2).
II - NOTIONS ET THÈMES
L'ECJS exige de partir de
questions précises répondant aux préoccupations des élèves pour
mobiliser les notions du programme et saisir les relations qu'elles
entretiennent.
Huit notions constituent le
programme :
- liberté
- égalité
- souveraineté
- justice
- intérêt général
- sécurité
- responsabilité
- éthique.
La présentation de ces huit
notions ne doit pas conduire à les explorer de manière distincte mais
doit permettre, au contraire, de les articuler diversement en fonction
des questions choisies, en montrant, sur un problème précis et concret,
les liens et les tensions qu'elles entretiennent entre elles. Ces
notions sont par ailleurs polysémiques ; il ne s'agit pas de procéder à
une étude exhaustive de chacune d'elles, il convient seulement de
montrer que leur maîtrise permet de comprendre le sens des débats qui se
déroulent dans l'espace public des sociétés contemporaines. Elles ont
été retenues en ce qu'elles permettent d'éclairer le sens et les enjeux,
pour la citoyenneté, des grandes transformations du monde contemporain.
Il est de la responsabilité du professeur de veiller à ce qu'elles aient
été mobilisées et comprises par les élèves au cours du travail, qu'il
s'agisse de l'analyse et du questionnement de l'information ou de
l'expression personnelle dans le débat argumenté.
À cet effet, afin d'éviter le
risque de la dispersion, quatre thèmes, dans lesquels s'inscriront les
questions choisies, sont proposés en classe terminale :
- la citoyenneté et les évolutions
des sciences et des techniques
- la citoyenneté et les exigences
renouvelées de justice et d'égalité
- la citoyenneté et la
construction de l'Union européenne
- la citoyenneté et les formes de
la mondialisation.
Durant l'année, une ou plusieurs
questions, entrant dans l'un ou plusieurs de ces quatre thèmes, seront
traitées.
III - DÉMARCHE
La démarche proposée mobilise
notamment des savoirs issus de différentes disciplines et de leur mise
en œuvre pratique. Le choix des questions étudiées pour déboucher sur
l'analyse des notions du programme relève de la liberté pédagogique des
professeurs. Ils l'adaptent en fonction de la série dans laquelle ils
interviennent, des compétences particulières existant à l'intérieur de
l'établissement et des possibilités d'interventions extérieures. Cette
réflexion ne peut se concevoir qu'à partir des intérêts manifestés par
les élèves et de leurs interrogations.
L'actualité, qu'elle soit locale,
nationale, européenne ou internationale, peut fournir la ou les
questions se rapportant au sens que prend la citoyenneté devant les
grands enjeux des transformations du monde contemporain. On fera le lien
entre des événements de l'actualité et la réflexion qu'ils suscitent sur
les fondements de la justice et du droit, la garantie des libertés et de
la sécurité, les conditions de la souveraineté, la nature de la
responsabilité des pouvoirs et celle des citoyens. Cette démarche doit
permettre de montrer aux élèves les conséquences directes de l'exercice
de la citoyenneté et le sens du débat dans l'espace public. Il
conviendra de relier les questions posées par l'actualité aux éclairages
que fournit l'histoire. Des conseils méthodologiques, quant à
l'utilisation de l'actualité en ECJS, sont donnés dans le programme de
la classe de seconde ; on pourra s'y référer.
Parmi les méthodes pédagogiques
mobilisables pour cet enseignement, il y a lieu de privilégier
l'organisation de débats argumentés. Ils contribuent à créer un espace
de discussion au lycée permettant à l'élève d'exercer sa liberté
d'expression et de se situer dans les grands débats d'idées de nos
sociétés contemporaines. Ils lui permettent de distinguer l'intérêt
général, qui fonde le sens de la citoyenneté politique en démocratie,
des intérêts personnels ou propres à des groupes particuliers. Cela
suppose l'intégration des règles du débat. Un débat argumenté, s'il veut
faire émerger la confrontation raisonnée des points de vue, est un débat
préparé. Il exige le recours à des sources documentaires variées
(politiques, historiques, juridiques, sociologiques...), empruntées à
des supports et des canaux d'information diversifiés (monographies,
périodiques, cédérom, sites Internet, traitements d'enquêtes...),
fournis ou indiqués par le professeur ou résultant du travail en CDI.
L'organisation du travail préparatoire au débat peut mobiliser des
techniques diverses selon le sujet abordé : ouvrages, dossiers de
presse, recherche de documents, enquêtes, etc. Dans tous les cas, il
s'agit de former l'esprit critique des élèves et de conduire à
l'élaboration d'argumentaires construits et pertinents favorisant la
confrontation des points de vue singuliers. Enfin, tout débat argumenté
doit déboucher sur une reprise en classe sous la responsabilité du
professeur. Il appartient au professeur, à l'issue du débat, d'en
conduire l'analyse critique et d'en souligner les enjeux en liaison avec
les notions du programme. A travers le débat argumenté, la recherche
d'une expression orale maîtrisée et raisonnée est un des objectifs de l'ECJS.
IV - ÉVALUATION
L'évaluation en classe découle
de cette démarche : la pédagogie mise en œuvre fait appel à la
mobilisation de l'élève dans des activités diverses écrites et
orales de
recherche et d'exposition, qui doivent toutes être prises en compte. Le
professeur évalue les productions des élèves sous leurs différentes
formes :
constitution de dossiers, contenu des interventions dans les
débats, textes écrits etc. Il peut fonder son appréciation sur les
critères suivants :
- recherche et analyse de
l'information ;
- qualité des productions
(écrites, orales, audiovisuelles, numériques, multimédias...) ;
- aptitude à argumenter dans un
débat ;
- maîtrise des connaissances.
V - ORIENTATIONS PRINCIPALES DES THÈMES
V.1 La citoyenneté et les évolutions des sciences et des
techniques
Les progrès des sciences et des
techniques dans tous les champs de l'activité humaine, la production, la
consommation, la médecine... bouleversent les formes de l'existence, les
rapports des hommes entre eux, la perception de l'espace et du temps, le
corps humain lui-même. Ils suscitent des interrogations et des exigences
nouvelles en matière de droits, de justice, de liberté, de
responsabilité, de sécurité, par exemple dans les domaines de la
bioéthique, de la prévention des risques naturels ou techniques, de la
mondialisation des réseaux de communication, de la santé, de la qualité
de la vie, de l'environnement, de l'avenir de la planète... Ils
modifient aussi les conditions d'exercice de la citoyenneté.
- Faut-il fixer des limites aux
progrès des sciences et des techniques et en fonction de quels principes
?
- Comment État et citoyen
peuvent-ils contrôler démocratiquement ces transformations ? Comment
garantir l'indépendance des décisions démocratiques dans des domaines
qui requièrent des savoirs spécialisés ? Quel rôle les experts
doivent-ils jouer ? Existe-t-il un risque de technocratie ?
- Peut-on garantir un égal accès
de tous les citoyens aux bénéfices des sciences et des techniques ?
- Face à ces complexités et à ces
défis, comment permettre l'exercice de la citoyenneté ?
V.2 La citoyenneté et les exigences renouvelées de
justice et d'égalité
La justice est à la fois un
principe qui sert de fondement aux sociétés démocratiques et un ensemble
d'institutions qui doivent appliquer ce principe. L'un et l'autre
reposent sur l'exigence d'égalité. L'égalité est l'un des principes qui
fondent les relations politiques en démocratie. Elle fut inscrite dans
l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789, reprise par la Constitution de la Cinquième République. Au
regard du droit, tous les citoyens sont égaux : ils ont les mêmes
droits
civils et politiques, les mêmes libertés fondamentales. Tous les hommes,
même non citoyens, ont les mêmes droits civils, économiques et sociaux.
Les inégalités sociales, économiques, culturelles ou mêmes physiques ne
peuvent justifier aucune différence de droits. Si l'égalité civile et
politique des citoyens est ainsi la première condition d'une société
démocratique, les sociétés démocratiques contemporaines renouvellent ces
exigences en amenant à interroger la représentation de l'intérêt
général, les exigences de liberté et de responsabilité, par exemple dans
les domaines de la protection sociale, des droits des communautés
culturelles, des revendications de l'individu.
- Comment une société démocratique
gère-t-elle aujourd'hui les inégalités de patrimoine, de salaires,
d'accès à l'emploi, à la santé, à la culture, à l'éducation ?
- Le principe de justice sociale
peut-il justifier des différences de traitement entre les citoyens selon
les situations particulières ?
- Des groupes particuliers,
territoriaux, sexuels, culturels, peuvent-ils obtenir la reconnaissance
de droits propres ?
La justice n'est pas seulement une
idée, c'est aussi une institution qui dit le droit et sanctionne ceux
qui enfreignent la loi. Cette mission suppose l'indépendance de
l'autorité judiciaire à l'égard des pouvoirs législatif et exécutif,
sans que disparaisse pour autant la responsabilité civile, pénale et
disciplinaire de ceux qui l'exercent. On constate aussi que les citoyens
font de plus en plus appel au juge pour régler des contentieux de toutes
sortes qui ne cessent de croître dans l'espace public et les relations
privées.
- Comment interpréter le rôle des
juges dans les démocraties contemporaines ?
- Pourquoi la justice en tant
qu'institution est-elle si souvent sollicitée par les justiciables ?
- Ne risque-t-on pas de réduire la
citoyenneté à la seule qualité de justiciable ?
V.3 La citoyenneté et la construction de l'Union
européenne
La citoyenneté s'est construite
historiquement dans le cadre national. Le projet européen, depuis un
demi siècle, a conduit à la construction d'institutions qui sont
aujourd'hui à l'origine de nombreuses décisions de notre vie collective.
Une grande partie du droit national, dans les pays de l'Union
européenne, est désormais de source européenne. D'un point de vue
juridique, il n'existe pas aujourd'hui de citoyenneté européenne
indépendante de la citoyenneté nationale ; d'un point de vue politique,
tout ce qui donne une réalité concrète au principe de citoyenneté reste,
pour l'instant et pour l'essentiel, national. L'Union européenne crée un
niveau d'institutions supérieur et complémentaire aux institutions
nationales. Elle amène à repenser les questions de la souveraineté, de
l'égalité, de la liberté, de la sécurité, par exemple dans le domaine de
l'économie, de l'harmonisation des législations, de l'ouverture des
frontières et de la circulation des personnes et des biens, de la
construction de forces armées plurinationales.
- L'Union européenne fait-elle
évoluer la définition et l'exercice traditionnel de la citoyenneté ?
Dans quelle mesure le développement des institutions politiques
européennes se conjugue-t-il avec le développement d'une véritable
citoyenneté européenne ?
- Une citoyenneté européenne
supposerait-elle d'aller plus loin que la simple addition des
citoyennetés nationales ? Implique-t-elle la constitution d'un espace
public européen?
- L'élaboration de cette
citoyenneté est-elle compliquée par la poursuite de
l'élargissement de
l'Union européenne ? Sur quels fondements et dans quelles limites cet
élargissement est-il possible ?
- La citoyenneté européenne
requiert-elle, à terme, la construction d'un État européen souverain ?
V.4 La citoyenneté et les formes de
mondialisation
Le terme de mondialisation
désigne un processus pluriséculaire complexe fait de mutations
géographiques, économiques, culturelles, juridiques et politiques. Il
s'accompagne d'une prise de conscience à l'échelle du monde de la
perturbation des équilibres physiques de la planète et de
l'homogénéisation relative du monde vivant. L'ensemble de ces mutations,
par exemple le délitement apparent de la notion de frontière nationale,
la concentration de pouvoirs au sein d'entreprises transnationales, le
rôle accru des institutions internationales, les transferts de
souveraineté des États-nations, la vitesse des transformations
techniques et des communications, engendre de nouveaux défis qui mettent
la citoyenneté à l'épreuve.
- Quels sont les effets de ces
mutations géographiques et démographiques sur la citoyenneté ?
- Dans quelle mesure la
mondialisation économique affaiblit-elle les souverainetés nationales ?
Remet-elle partiellement en cause le lien historique entre citoyenneté
et nation ?
- Quels sens peut-on donner aux
aspects culturels de la mondialisation ?
- Comment interpréter la nature
juridique et politique des transferts de souveraineté des États
nationaux et des limitations de pouvoir consenties dans le cadre de
traités ou de conventions ?
- L'ensemble de ces évolutions
peut-il déboucher sur une forme de citoyenneté mondiale qui
nécessiterait la mobilisation de valeurs universelles ?
- Peut-on dire que la
mondialisation constitue une menace ou une chance pour les citoyens ?
VI - Document d'accompagnement
Un
document à l'usage des professeurs accompagne la mise en œuvre de ce
programme. Il est pour l'essentiel composé de fiches correspondant à
chacun des thèmes d'entrée proposés.
Il suggère des articulations
possibles avec des éléments des programmes de différentes disciplines.
Il comporte aussi des fiches qui
doivent permettre de mieux maîtriser les méthodes et les outils
préconisés, notamment le débat argumenté.